terça-feira, 6 de dezembro de 2011

Cinc ans de Sasrcozy:un échec politique et administratif

Cinq ans de revue générale des politiques publiques (RGPP) : un échec politique et administratif  
Essai Par Henri Primat. Le 29/11/2011

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Un séminaire gouvernemental, mardi 29 novembre, doit faire le bilan de la Revue générale des politiques publiques (RGPP), cinq ans après son lancement. Le gouvernement ne devrait pas manquer de se congratuler: la réforme de l’Etat est en cours, avec à l’arrivée plus de service public et moins de dépenses publiques. Rien n’est plus faux. Ce rapport de bilan démontre le contraire : la RGPP est un échec patent, la réforme de l’Etat est à reprendre de zéro, à repenser en profondeur. Les dépenses de l'Etat n'ont pas été jugulées et la RGPP a eu des conséquences négatives sur les services publics, en dégradant la qualité de service.

Synthèse du rapport

Lancée en grande pompe le 10 juillet 2007, la Revue générale des politiques publiques (RGPP) était l’un des grands chantiers du gouvernement pour le quinquennat. Son ambition : la réforme de l’Etat. L’objectif était légitime : trop longtemps repoussée, victime de plusieurs déboires majeurs dans le passé, la réforme de l’Etat était devenue une nécessité.
A l’issue du quinquennat, quel bilan tirer de la RGPP ?

1.      L’ambition de la RGPP a été détournée de son objectif : il n’y pas eu de réforme de l’Etat. Son seul horizon a été la réduction des dépenses publiques.

L’ambition politique initiale était majeure : la réforme globale de l’Etat. Avec trois objectifs distincts : l’amélioration de la qualité du service public (adapter l’Etat aux besoins des citoyens) ; la modernisation ; et la réduction des dépenses publiques.
Cette ambition était portée au plus haut niveau de l’Etat : un « comité de suivi » interministériel présidé directement par le secrétaire général de l’Elysée et le directeur de cabinet du Premier ministre était chargé d’assurer le pilotage ; un Conseil de la modernisation des politiques publiques (CMPP), présidé par le Président de la République lui-même, devait faire les arbitrages.
Rien de tout cela n’a été tenu. L’ambition a été très vite dévoyée. La RGPP s’est limitée à un objectif de réduction des dépenses publiques : un vaste plan de restructuration et de diminution des coûts. La méthode s’est transformée en exercice technocratique tentaculaire, avec une prolifération d’« audits de modernisation », sans pilotage politique.
  

2.      Même limitée à la réduction des dépenses publiques, la RGPP est un échec patent. Les dépenses de l’Etat n’ont pas été jugulées.

De 2007 à 2012, les dépenses de l’Etat ont augmenté de +12 % (de 335 à 377 milliards d’euros). Surtout, les dépenses de fonctionnement – censées être au cœur de l’effort de la RGPP – ont explosé : +37 % (de 33 à 46 milliards).
Comment expliquer cet échec patent ?
D’abord, les gains bruts issus de la RGPP ont été assez faibles.
Le gouvernement évoque un gain de près de « 15 milliards d’euros à horizon 2013 », soit environ 2 milliards par an. Mais il s’agit d’évaluations « au doigt mouillé ». Aucune évaluation scientifique, aucun bilan chiffré n’ont été réalisés. Dans son rapport public de 2009, la Cour des comptes estime que les gains sont « globalement surestimés » : « Cette estimation est excessivement optimiste, au regard de la faible proportion des rapports [d’audit] comportant des chiffrages, de l’inégale qualité des évaluations disponibles ». Ces mesures n’ont eu pour la Cour qu’une « faible traduction budgétaire ».
Quand on regarde dans le détail, la RGPP se caractérise avant tout par son inefficacité budgétaire :
- La réduction des dépenses de fonctionnement a reposé quasi-exclusivement sur la fusion des services administratifs.
Bien souvent, les réorganisations se sont limitées à des exercices de pure forme : la refonte des organigrammes, sans aucune conséquence réelle, faute de suivi des préconisations.
Quand elles ont été effectivement réalisées, les réorganisations ont été souvent mal pensées, conduisant à des appariements peu pertinents et à peu de synergies. C’est le cas de la création des DIRECCTE (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) : quelles synergies peut-on attendre du rapprochement des services de la direction du travail en charge des plans sociaux et de ceux de la sûreté nucléaire des ex-DRIRE ?
Certains regroupements faisaient sens, toutefois, en termes de synergies. Par exemple, le rapprochement des services de la DDASS en charge de la santé et ceux de l’assurance maladie, au sein des agences régionales de santé (ARS). Ou encore les services vétérinaires et les services de la consommation et de la répression des fraudes au sein d’un service unique de contrôle de la qualité des produits et services commercialisés dans la nouvelle Direction de la protection des populations (DPP). Mais ils ont été le plus souvent rendus stériles par manque de concertation, de préparation et d’adaptation aux réalités locales.
- Les quelques économies de fonctionnement réalisées l’ont été grâce au démantèlement du patrimoine de l’Etat.
Depuis 2005, plus de 3 milliards d’euros de ventes ont été réalisées. Il s’agit là d’expédients relevant de la mauvaise gestion : les ventes sont des « fusils à un coup » qui ne sauraient couvrir des dépenses récurrentes ; elles concernent avant tout les « bijoux de famille », souvent bradés ; les ventes immobilières entraînent un gain immédiat (la vente) mais des surcoûts à moyen terme (le paiement des loyers).
- La quasi-totalité des économies porte sur les dépenses salariales : le gouvernement a mis en œuvre le plus grand plan social de l’histoire du pays, avec la suppression de 190 000 postes de fonctionnaires d’Etat depuis 2002.
Le principe d’action est connu : le non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux, soit un rythme de suppression de 30 000 postes par an depuis 2007. Le gain brut est de l’ordre de 6 milliards d’euros en 2012 par rapport à un renouvellement à l’identique.
Ensuite, les gains bruts de la RGPP ont été en partie compensés par une série de coûts :
- Les moyens budgétaires et humains mobilisés pour la RGPP sont considérables.
On peut les chiffrer au total à 360 millions d’euros, avec notamment la création d’une direction d’administration centrale spécialisée (la DGME – Direction générale de la modernisation de l’Etat, pour 80 millions) et le recours à une armée de consultants externes (250 millions d’euros).
- Les économies liées à la baisse du nombre de fonctionnaires ont été en partie recyclées.
Elles ont été recyclées sous forme d’augmentations salariales générales ainsi que d’heures supplémentaires, de sorte que l’impact budgétaire net se limite à 860 millions d’euros (soit une baisse de 1 % des dépenses de personnel, qui passent de 119,1 milliards d’euros en 2007 à 118,2 en 2012).
Encore la Cour des comptes estime-t-elle que « l’impact financier réel du schéma d’emplois est […] assez incertain et il est probable qu’il soit majoré par certains ministères ».
Qui plus est, le calcul ne tient pas compte des coûts indirects, typiquement le coût pour l’assurance chômage : une part significative des actifs non embauchés comme fonctionnaires se retrouvera en effet au chômage, eu égard à la crise du marché du travail. Le mistigri passe dans ce cas du budget de l’Etat au budget de la Sécurité sociale, sans amélioration globale des dépenses publiques.
- Les grands chantiers de modernisation informatiques engagés par le gouvernement, et censés générer des gains rapides de productivité, se sont transformés en gouffres financiers non maîtrisés. 
La modernisation des applications informatiques du ministère des Finances (Copernic) était budgétée à 900 millions d’euros, elle a en fait atteint la somme pharaonique de 1,8 milliard selon la Cour des comptes. L’application Chorus, le nouvel outil de gestion comptable et financière de l’Etat, coûtera au minimum 1,1 milliard, toujours selon la Cour : une somme très supérieure au retour sur investissement à long terme – et ce sans compter que le chantier du nouvel opérateur national de paye n’a pas été synchronisé et qu’il ne sera donc pas compatible avec Chorus… Pire encore, le projet Accord de rénovation de la comptabilité de l’Etat a été abandonné après avoir coûté 250 millions d’euros.
Au total, ces coûts effacent pour une bonne part les gains bruts de la RGPP. Les gains nets s’établissent à moins de 1 milliard d’euro par an. La seule loi « TEPA » du 21 août 2007 a généré un coût budgétaire de plus de 10 milliards d’euros, supérieur aux gains de la RGPP.
  

3.      Ces efforts de réduction des dépenses publiques, malgré leur échec, ont eu des conséquences négatives sur les services publics : la RGPP avait pour objectif d’améliorer la qualité du service, elle l’a dégradée.

On constate d’abord une diminution de la proximité du service public. C’est la conséquence mécanique de la fusion des services, qui s’est traduite notamment par la réduction du nombre des implantations. La réforme de la carte judiciaire en est un exemple typique : la suppression de 201 tribunaux (dont 23 TGI) met fin à la présence judiciaire dans les territoires – une désertification telle que le Conseil d’Etat a annulé en 2010 des décrets supprimant plusieurs tribunaux, dont celui de Moulins, pour des considérations tirées du bon fonctionnement du service public. La fusion des services déconcentrés de l’Etat (DDE, DDASS, DDTEFP…) a eu le même effet sur des services publics pourtant essentiels : l’emploi, la santé… Enfin, le retrait des services de l’équipement (DDE) et le transfert au secteur privé de leurs compétences d’ingénierie au profit des collectivités locales – pour les routes, par exemple – a été très mal inspiré. L’expertise haut de gamme des ingénieurs de la DDE a été perdue au profit de consultants privés locaux aux compétences souvent plus que douteuses et aux coûts prohibitifs.
La qualité du service est ensuite entamée par le manque de moyens. C’est le cas, par exemple, pour Pôle emploi : il a du assumer avec des moyens en stagnation, et en pleine réorganisation due à la fusion ANPE-Assedic, l’explosion du nombre de demandeurs d’emploi. La qualité de l’accueil en a fortement pâti. Le taux d’encadrement, supérieur à un conseiller pour 200 chômeurs, visait un objectif de un pour 150 : il flirte désormais avec un pour 300…
Les fusions mal préparées et mal réalisées ont abouti à des désorganisations, évidemment très dommageables pour la qualité du service. On vient de citer Pôle emploi. On peut citer aussi la création de la DIRECCTE, un mastodonte sans unité et sans lisibilité pour l’usager. On peut encore mentionner l’ouverture des Services des impôts des particuliers (SIP), des guichets uniques locaux issus de la fusion de la Direction générale des impôts (DGI) et de la Direction générale de la comptabilité publique (DGCP). Une amélioration du service pour le citoyen-contribuable mais trois ans après le lancement de la réforme, seuls 300 guichets ont ouvert sur les 750 prévus. De même pour les grands chantiers informatiques, qui ont avant tout créé de la désorganisation.
La démoralisation des fonctionnaires est aussi un élément, diffus mais fondamental, de baisse de la qualité du service. Les fonctionnaires ont été la cible explicite de la RGPP. La suppression des postes de fonctionnaires, aveugle et assez hétérogène, a abouti à de véritables saignées dans certains ministères. En l’absence de toute gestion des ressources humaines, les gains de productivité attendus se sont mués en baisse de la qualité du service.
Enfin, dans certains cas, la création d’opérateurs uniques a permis l’optimisation de certaines interventions mais elle s’est faite au détriment du contrôle politique sur ces nouvelles structures à l’autonomie large. C’est le cas pour OSEO, FranceAgriMer ou encore l’Agence des services et de paiement (opérateur de paiement des aides agricoles). Les déboires récents de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) lors de l’affaire du Mediator démontrent la défaillance des contrôles exercés sur les agences.
Seul le développement de l’e-administration (formalités administratives en ligne) a vraiment constitué un bénéfice pour le citoyen. Mais la France est encore très en retard : seuls 39 % des particuliers et 80 % des entreprises y recourent, ce qui classe la France au 16e rang de l’Union européenne.
Au total, la qualité du service a baissé. C’est ce que confirment les évaluations de l’Institut Paul Delouvrier, qui notent une forte baisse de la perception de la qualité du service chez les citoyens.
  

4.      La réforme de l’Etat est une nécessité mais elle doit être repensée en profondeur.

La RGPP est un échec avéré. Son sigle même, qui fait figure, à juste titre, d’épouvantail, doit disparaître. La réforme de l’Etat doit être reprise à zéro, sur des bases saines. Une réforme progressiste de l’Etat devrait reposer sur trois piliers : réduction des dépenses publiques, amélioration du service public, méthodologie dans la conduite du changement.
La réduction des dépenses publiques
C’est vital étant donné la situation des finances publiques : un surendettement critique pour notre survie budgétaire à court terme (près de 90 % du PIB, 1 800 milliards d’euros, avec une dérive annuelle de 6 % du PIB) qui impose une réduction du déficit structurel de 80 milliards (4 points de PIB) sous la prochaine mandature ; un sous-investissement également critique de l’ordre de 30 milliards d’euros, qui atrophie notre potentiel de croissance pour le moyen terme[1].
Dans ce contexte, la hausse des impôts est inévitable. Elle a déjà commencé : près de 20 milliards de hausses en deux ans. Mais l'effort doit être équitablement réparti. La réduction des niches fiscales (60 milliards de niches « officielles » et encore 70 milliards de niches « déclassées ») et sociales (60 milliards) est une priorité. Certaines sont injustes : des véhicules d'évasion fiscale pour les contribuables les plus aisés. Beaucoup ont une utilité limitée. Au-delà, il faut s'engager dans la réforme de notre système fiscal, caractérisé par sa très faible redistributivité. C'est la logique de la refonte IR-CSG proposée par François Hollande.
Mais un effort équivalent est nécessaire sur les dépenses publiques. Il y a peu de marge sur les recettes : les prélèvements obligatoires atteignent déjà 45 % du PIB, soit leur plus haut niveau historique, et placent la France au quatrième rang mondial. Il y a en revanche des marges sur les dépenses. Avec des dépenses publiques de près de 57 % du PIB, la France se classe n°1 mondial sur 194 pays, ex-aequo avec le Danemark. Si nous ramenions simplement la dépense publique nationale au niveau suédois, le pays le plus égalitaire du monde, à l'Etat providence le plus généreux, nous économiserions 100 milliards d'euros.
Comment faire ?
D’abord, il faut étendre la réflexion sur la dépense publique à l’ensemble des collectivités publiques. Elle est pour l’instant limitée au seul Etat, qui ne représente 34 % de la dépense publique. Il faut y ajouter les collectivités locales (21 %) et surtout la Sécurité sociale (45 %, soit plus de 500 milliards d’euros).
Ensuite, il faut un changement radical de méthode. La RGPP se limite à des économies de gestion à politiques publiques inchangées. Il y a bien sûr des économies à faire mais, même bien réalisées (ce qui n'est pas le cas, on vient de le voir), elles ne peuvent générer par construction que quelques milliards d'économies. Le parallèle avec l’entreprise est d’ailleurs fautif, les gisements dans l’administration sont moindres et bien moins rapides : l’essentiel des restructurations d’entreprises passe par le licenciement des salariés, modalité impossible dans le public (sauf à remettre en cause le statut de la fonction publique, ce que personne ne propose), à laquelle s’est substituée la stratégie plus lente de non-renouvellement, dont on a dit le caractère contre-productif (le salarié licencié ne pèse plus dans les comptes de l’entreprise ; le fonctionnaire non-embauché ne pèse pas dans la masse salariale de l’Etat mais sa charge est bien souvent transférée à l’assurance-chômage : le mistrigri change de mains mais il demeure).
En tout état de cause, en aucun cas la RGPP ne peut répondre aux objectifs structurels, qui se chiffrent en dizaines de milliards.
Terra Nova invite à un changement de méthode : il faut s'attaquer, non pas simplement aux économies de gestion à politiques publiques constantes, mais aux politiques publiques elles-mêmes. C'est ce qu'ont fait tous les pays qui ont réussi à redéployer leurs finances publiques, à froid comme Israël, la Suède, le Canada, ou à chaud sous la pression des marchés comme la Hongrie. Nous ne l'avons jamais fait : nous avons toujours empilé les politiques nouvelles sur les politiques anciennes, sans jamais les remettre en cause. C'est ce qui explique le niveau exceptionnel de la dépense publique. Ubu n'a jamais dirigé ce pays, de sorte que toutes les dépenses ont un sens. Mais il y a des politiques du passé qui ne sont plus prioritaires aujourd'hui.
Là sont les marges de manœuvre. Pour l’Etat : 150 milliards d’euros pour 2012 (35 milliards d’euros de transfert aux ménages, 75 milliards de transfert aux entreprises, 40 milliards de transfert aux collectivités publiques) – des sommes bien plus importantes que les 46 milliards de dépenses de fonctionnement de l’Etat et bien plus fongibles que les 118 milliards de dépenses de personnel. Et aussi pour les administrations de sécurité sociale (l’essentiel des 500 milliards) et les collectivités locales (autour de 100 milliards).
L’amélioration du service public
C’est un objectif en soi, naturellement séparé de l’objectif de limitation des dépenses publiques. L’amélioration du service public passe souvent par un accroissement des coûts. La modernisation d’un service nécessite des investissements parfois lourds, qui ne sont rentables qu’à terme.
L’excellence des services publics est un objectif clé en France : le niveau élevé des dépenses publiques françaises ne se justifie que si le service au public est meilleur qu’ailleurs.
Pour y arriver, il faut d’abord évaluer la qualité du service. Il n’y a rien aujourd’hui ! Le gouvernement avait proposé de publier un « baromètre de la qualité des services publics » (4e rapport RGPP, juin 2010). Le baromètre n’est jamais venu. Terra Nova propose de créer une agence d’évaluation des services publics, sur le modèle espagnol[2].
Il faut ensuite se fixer des objectifs. Là encore, le gouvernement avait proposé d’atteindre un « taux de satisfaction de huit usagers sur dix ». Les indicateurs n’ont jamais été mis en œuvre. Ces indicateurs, au-delà de la perception subjective, doivent mesurer la qualité objective : délai maximal d’accès au service public (temps d’attente), durée opposable de délivrance des prestations, développement de l’administration électronique.
Il faut enfin mettre les Français au cœur du service public. Ils ne doivent plus être des « usagers », mieux que des clients, des acteurs du service public : consultations, jurys citoyens et le cas échéant participation aux conseils d’administration des établissements publics constituent une palette d’instruments expérimentaux qui doivent désormais se généraliser.
Une méthodologie dans la conduite du changement
La réforme de l’Etat souffre d’une plaie béante : l’absence totale de méthode dans le management du changement. Conséquence : toutes les grandes réformes échouent, se heurtant aux résistances politiques ou administratives.
Il est temps de lancer une vraie réflexion sur une méthodologie du changement dans le domaine public. Des grands principes peuvent déjà être avancés :
- Recentrer les efforts sur les priorités : la RGPP, avec plus de 500 mesures annoncées, a fait tout l’inverse, se dispersant dans des détails microscopiques (par exemple des économies de bouts de chandelles aberrantes, comme la diminution du nombre d’épreuves dans les concours administratifs).
- Associer les ministères et les agents à la définition des priorités et à la prise de décision : elles ne doivent pas être imposées par des audits externes – et des auditeurs aux compétences parfois suspectes ; elles doivent être proposées par les directions concernées par la réforme – seule garantie véritable pour leur mise en œuvre.
- Mettre en place, enfin, une vraie gestion des ressources humaines de l’administration : de la gestion prévisionnelle des emplois et des cadres (pour éviter les coupes aveugles, et donc souvent dommageables, de la RGPP) à la gestion individuelle de la carrière des fonctionnaires (mobilité, formation, motivation…).
- Assurer le suivi de la mise en œuvre par une évaluation indépendante.
La RGPP est un désastre politico-administratif. Son ambition a été détournée de son objectif : la réforme de l’Etat a été annexée à la seule réduction de l’Etat, à la limitation de la dépense publique. Même ainsi circonscrite, la RGPP a été un échec cuisant : la dépense publique a fortement augmenté sur la période. Cinq ans après, tout reste à faire. La réforme de l’Etat est à reprendre de zéro.


[1] Cf. Olivier Ferrand, Politique de rigueur et investissements d’avenir : les impératifs jumeaux (Terra Nova, 18 novembre 2011)
[2] Cf. Jean-Philippe Thiellay et Martine Lombard, « Pour une République des services publics » (Rapport, Terra Nova, novembre 2011)

L'imposture, dix années de politique de sécurité de Sarkozy

L'imposture, dix années de politique de sécurité de Nicolas Sarkozy

Essai Par Benoist Hurel, Eric Plouvier, Robert Badinter, Valérie Sagant. Le 29/11/2011

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Depuis 2002, Nicolas Sarkozy se vante de succès remportés dans la lutte contre la délinquance. Sur quels arguments fonde-t-il l’appréciation de sa réussite ? L’analyse de quatre domaines de la politique gouvernementale de sécurité – la politique du chiffre ; la production législative pénale ; la prévention de la délinquance ; la vidéosurveillance -  permet de démontrer la supercherie à l’œuvre dans cet exercice d’autosatisfaction. En s’appuyant sur les données publiées par le gouvernement lui-même, sur les travaux scientifiques français et étrangers en la matière, sur les analyses conduites par différentes institutions publiques françaises et sur les récits et témoignages de praticiens, ce rapport de Valérie Sagant, Benoist Hurel et Eric Plouvier, préfacé par Robert Badinter, dénonce l’imposture de la communication faite autour de la sécurité.

Synthèse


Pour prétendre avoir réussi dans le domaine de la sécurité, le gouvernement s’appuie sur un unique indicateur : le nombre de faits constatés par les services de police et de gendarmerie. Ces statistiques montrent une baisse de 17% depuis 2003, alors que la période précédente (1997-2002) avait connu une hausse également de 17%, selon les déclarations du ministre de l’Intérieur en septembre 2011. Cette rhétorique est à l’œuvre depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur.



Pourtant, ce chiffre unique ne peut mesurer l’efficacité de la politique publique conduite en matière de sécurité pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il ne représente pas l’état réel de la délinquance, mais l’état de l’activité des services de police et de gendarmerie. Les enquêtes de victimisation viennent apporter d’importants correctifs en mesurant – sous la forme de sondages – les faits dont les citoyens se disent victimes. Ainsi, il apparaît que nombre de vols et de violences ne sont pas dénoncés aux services de police et de gendarmerie et qu’un dixième seulement des violences intra-familiales feraient l’objet d’une plainte officielle ; concernant les atteintes aux biens, un tiers environ des vols –toutes catégories – seraient dénoncés. Par ailleurs, ce chiffre unique de « la » délinquance additionne divers agrégats statistiques d’infractions très hétérogènes, mêlant les atteintes aux biens et aux personnes avec les diverses infractions à la législation sur les stupéfiants ou celles liées aux irrégularités de l’entrée et du séjour des étrangers ; en revanche, ce chiffre ne prend pas en compte la délinquance routière qui pourtant représente 15% des faits constatés. Agrégés en un chiffre unique, ces données perdent de leur signification, les évolutions ne sont pas les mêmes en ce qui concerne par exemple les meurtres – dont le nombre est très stable sur le long terme ou les vols à l’arraché – dont le nombre a cru avec l’arrivée sur le marché des téléphones portables.


Mais, il y a pire : le recueil même des statistiques n’est pas fiable et a fait l’objet de nombreuses interventions et directives destinées à répondre avant tout aux besoins de communication politique et qui sont aujourd’hui bien connues : réticence voire refus d'enregistrement de plainte, recours à la main courante, modulation de la qualification juridique, changements dans les modalités de décompte des infractions etc… Ces artifices et tromperies ont été largement institutionnalisés depuis dix ans, comme le montrent les nombreux récits des policiers, gendarmes et magistrats, de même que les circulaires officielles dont la dernière a été révélée en septembre 2011. Par manque d’indépendance et de moyens, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales n’a pas permis à ce jour de remédier à ces dérives. « La délinquance » continue de baisser au gré des injonctions ministérielles. Le « chiffre » est devenu une fin en soi et la culture du résultat a été dévoyée au profit de la communication politique.
Sur le terrain, les objectifs affichés de lutte contre l'économie souterraine et le trafic de drogues et de garantie de la paix publique n'ont pas été atteints. Les vols restent à un niveau élevé et les violences demeurent une préoccupation majeure. Ce sont surtout les interpellations pour usage de drogue et les infractions contre les personnes dépositaires de l'autorité publique qui ont progressé de façon spectaculaire. L'augmentation du taux d'élucidation, de 25% en 2001 à 38% en 2010, sensée refléter l'efficacité des services de police et de gendarmerie, est artificielle. Elle repose presque exclusivement sur le développement des infractions révélées par l'action des services (IRAS) et, parmi elles, sur l'arrestation des consommateurs de produits stupéfiants. Hors IRAS, le taux d’élucidation est ramené à 29% L'élucidation des cambriolages et des vols « à la tire » reste marginale avec des taux d’élucidation, en 2010, respectivement de 13,4% et de 4,3%.
Le résultat le plus tangible de la culture du chiffre se trouve dans la transformation des pratiques policières et judiciaires en une véritable frénésie pénale. Les indicateurs d'activité de la police sont devenus les objectifs et se concentrent sur le nombre de personnes déférées et le nombre d'affaires clôturées, au détriment des missions de sécurité publique, de prévention et de tranquillité publique de la police et de la gendarmerie. L'obsession des chiffres a éloigné la police de la population. Cette obsession se traduit par la judiciarisation systématique, sans considération pour la résolution effective des problèmes. Les pratiques judiciaires ont également évolué au nom du principe de la « tolérance zéro » et de la cohérence de la « chaine pénale ». Désormais, toute procédure contre un auteur identifié doit faire l'objet d'une réponse pénale. L'augmentation du taux de réponse pénale, passé de 67,9% en 2000 à 87,7% en 2009 est massive. Cependant, elle résulte surtout de l'augmentation des alternatives aux poursuites. Parmi elles, le rappel à la loi a pris la place du classement sans suite, stigmatisé comme le ferment du sentiment d'impunité. La logique de productivité qui s'est imposée à l'institution judiciaire se traduit par une standardisation des réponses apportées, en particulier avec les ordonnances pénales (25% des décisions des tribunaux correctionnels) rendues sans rencontrer le justiciable dans le contentieux de masse que représente la délinquance routière (41% des condamnations correctionnelles).


Les condamnations sont en hausse, leur sévérité s'accroit et le nombre de personnes détenues augmente : durant les dix dernières années, les condamnations pour crime ou délit ont augmenté de 16% et, durant les vingt dernières années, le nombre de peines d'emprisonnement ferme a crû de 20%. Pourtant, cette évolution n'empêche pas Nicolas Sarkozy d'entretenir la polémique sur le laxisme des juges, en s'appuyant le plus souvent sur l'émotion provoquée par des faits divers tragiques.
Le rapport du « sarkozysme » à la loi pénale repose de fait sur un dévoiement originel : uniquement focalisé sur l’expression d’un volontarisme politique effréné dans la lutte contre la criminalité, il doit d’abord créer les conditions d’efficacité de cette stratégie de conquête de l’opinion. D’où, en premier lieu, l’utilisation d’une rhétorique particulièrement habile destinée à instiller la peur et à sommer le citoyen de choisir entre la cause des « victimes » et celle des « voyous ». Dans cette perspective, chaque nouveau fait divers offre au pouvoir une occasion de communiquer sa compassion à l’endroit des premières et son hostilité à l’égard des seconds. L’annonce d’une loi nouvelle apparaît ainsi comme la conclusion logique de ces discours pour un pouvoir qui fait de l’affirmation de son volontarisme une de ses marques de fabrique : de fait, depuis une décennie, au moins huit lois pénales ont directement, en tout ou partie, découlé du fort retentissement médiatique de la commission d’un crime ou d’un délit.
Les conséquences de ce foisonnement sont évidentes. En premier lieu, les textes, souvent adoptés au son du canon et en fonction de considérations électoralistes, se révèlent parfois inapplicables : pour ne prendre que deux exemples significatifs, la loi contre les regroupements dans les halls d’immeubles n’a été de quasiment aucun effet et le fameux « décret anti-cagoules » n’a presque aucune chance de pouvoir être appliqué, de l’aveu même des policiers. Lorsque, parfois, les textes répondent à des demandes précises, l’absence de moyens donnés pour leur application empêche toute évolution réelle du problème qui en était à l’origine : la collégialité de l’instruction, pourtant votée à l’unanimité du Parlement, n’a ainsi jamais été mise en œuvre. Pire, les lois votées, du fait même de leurs conditions d’irruption sur l’agenda politique et d’élaboration, génèrent deux effets pervers qui freinent l’action des institutions : insécurité juridique endémique et aggravation des symptômes auxquels la loi était censée répondre. Ainsi, les dispositifs destinés à endiguer la prostitution n’ont fait qu’aggraver la situation des personnes prostituées. La multiplication outrageuse des priorités gouvernementales (racolage passif, chiens dangereux, voyageurs sans titre de transport, guet-apens et embuscades, bandes de garçons et de filles, violences conjugales, téléchargement illégal et d’autres encore) a totalement désorienté et engorgé les services de justice, de police et de gendarmerie qui ne sont même plus en mesure de faire face aux besoins de la population.
Au-delà, l’affichage arrogant par le pouvoir de la supériorité de l’attitude compassionnelle sur l’analyse juridique produit ses effets dans l’ordre juridique même : le quinquennat qui s’achève a été, de loin, celui où le Conseil constitutionnel aura le plus invalidé de dispositions nouvelles, et parfois des lois entières : loi sur la rétention de sûreté, sur l’inceste, LOPPSI 2 ou encore loi dite HADOPI. Quant aux critiques de la France par les institutions internationales, jamais elles n’auront été aussi nombreuses, de la commissaire européenne chargée de la justice au comité des droits de l’enfant des Nations Unies en passant par le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Mais le pouvoir n’a cure de ces objections – on pourrait même gager qu’elles le servent : la « neutralisation » des lois votées n’est-elle pas le gage de la possibilité d’en proposer d’autres de plus en plus répressives, et d’alimenter toujours davantage la machine à communiquer qu’est devenue la politique pénale ?
Dans ce contexte d’ « hyper-pénalisation », la prévention a été largement délaissée jusqu’à ce que les émeutes de 2005 obligent le ministre de l’Intérieur à réinvestir ce domaine. Dès 2002, le ton est donné, particulièrement en ce qui concerne la police de proximité qui est vertement critiquée – et caricaturée : « les policiers ne sont pas des travailleurs sociaux ». Pourtant, malgré leur diversité, les analyses des émeutes convergent toutes ou presque vers la dénonciation de l’impact négatif du changement de doctrine policière. Le besoin de proximité et de dialogue entre police et population est criant. Depuis, de timides tentatives pour relancer une forme de police de proximité voient le jour régulièrement (unités territoriales de quartier, brigades spécialisées de terrain, patrouilleurs…). Ces analyses mettent également l’accent sur les graves inégalités dont souffrent les habitants des quartiers d’habitat social – le taux de chômage des jeunes y est de 17 points supérieur à celui des jeunes des autres quartiers. Malgré l’ampleur du désastre, ces émeutes n’accoucheront que d’une loi deux ans plus tard – loi qui aurait dû être la première loi exclusivement consacrée à la prévention en France, mais qui est apparue en raison de son contenu comme une nouvelle loi répressive.
Progressivement, ces dix années auront conduit à une évolution forte de la notion même de prévention : « la répression est la meilleure des préventions » affirme le ministre de l’Intérieur. Dissuasive, la prévention se doit de s’éloigner de l’approche socio-éducative – selon les termes de la circulaire de 2011. Les thèmes et modalités d’action retenus frappent par leur manque de créativité et leur déconnection des réalités. Peu d’évaluation sont menées – celles qui le sont démontrent par exemple l’utilité de l’action des médiateurs ou encore des intervenants sociaux dans les locaux de police et de gendarmerie – dispositifs anciens heureusement pas entièrement mis à mal par cette nouvelle politique publique de la prévention. La priorité est donnée à la sanction et à la logique dissuasive, malgré l’inadéquation avec les besoins et les constats des acteurs de terrain. Ainsi, la politique de soutien parental repose aujourd’hui principalement sur des mesures de rétorsion. La prévention de la délinquance des mineurs n’a pas progressé tant les énergies ont été captées par les réformes législatives aggravant sans cesse la répression à l’égard des jeunes. Dans le domaine de la toxicomanie, la priorité est donnée à la pénalisation de l’usage, au détriment de la prévention. L’indemnisation des victimes a progressé, mais les associations d’aide aux victimes qui assuraient l’accueil, l’orientation et l’accompagnement concret des victimes sont aujourd’hui en danger de disparition en raison de la baisse du soutien de l’État. Ces quelques exemples démontrent la faiblesse du bilan en la matière.
L’évolution de la gouvernance de la prévention n’est pas meilleure. Le maire, censé être placé au cœur de toute la politique publique de prévention, a été victime d’un jeu de dupes. Le maire est sollicité, mais peu soutenu par l’État. Les crédits ne suivent pas. Il aura fallu les émeutes de 2005 pour qu’un sursaut budgétaire –de brève durée – soit observé. De 25M€ en 2001, les financements étatiques avaient chuté à 15M€ par an entre 2002 et 2005. L’année 2007 a été « faste » avec des crédits culminant à 30M€, mais leur décrue s’est amorcée tout de suite après et depuis 2009, le niveau de 20M€ n’est pas atteint. Insuffisants, les crédits sont également répartis de façon inéquitable. Le principe de la politique de la ville visant à donner plus aux villes les plus pauvres n’est plus respecté. La « géographie prioritaire » se dilue : 30% des financements « prévention de la délinquance » peuvent être attribués à des communes non prioritaires. Certaines villes pourvues de ressources importantes réussissent à obtenir des financements étatiques sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance, telle la ville de Nice qui s’est vue allouer 2M€, soit 7% de la dotation totale du FIPD[1] pour la vidéo
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surveillance.
La gouvernance de la prévention souffre également du désengagement des services de l’État dans la conception, le suivi et le financement des actions locales de prévention au profit des actions plus répressives. Ce recul va pourtant de pair avec une attitude plus centralisatrice des services étatiques. Le préfet se voit régulièrement enjoindre de faire adopter par les collectivités les nouveaux dispositifs de la loi de 2007. Il aura même fallu en 2011 rendre obligatoires les Conseils des droits et devoirs des familles dans les villes de plus de 50 000 habitants. Le soutien du gouvernement au développement des polices municipales est perçu sur bien des territoires comme une façon d’occulter le désengagement des services de la police nationale et de la gendarmerie. Les inégalités entre territoires s’aggravent du fait de ces évolutions.
Dans ce contexte, la vidéo
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surveillance a été présentée comme la réponse « miracle » et l’outil privilégié de la prévention. D’inspiration britannique, l’engouement de Nicolas Sarkozy pour la vidéosurveillance se caractérise depuis 2002 par une fuite en avant que ne canalise aucune réflexion sur l’articulation de cet outil avec les autres dispositifs de prévention. Les missions qu’on assigne à la vidéosurveillance, devenue « vidéoprotection » pour rassurer les défenseurs des droits fondamentaux, ont vu leur périmètre s’accroître progressivement depuis 2002 au point de devenir la panacée pour prévenir, dissuader et élucider les crimes et les délits. La vidéo-surveillance a été promue directement par l’État qui est passé ici d’un rôle d’arbitre entre différents projets présentés par les collectivités locales à un rôle de promoteur. Le secteur économique de la vidéo-surveillance est d’ailleurs devenu le domaine le plus dynamique de la sécurité privée avec une croissance annuelle de 7% depuis 2004.
Le développement tous azimuts des caméras ne repose pourtant pas sur une évaluation sérieuse de leur efficacité. En 2008, la méta-analyse de Welsh et Farrington (étude de 41 évaluations disponibles dans le monde sélectionnées pour la rigueur de leur méthode) fait apparaître que la vidéosurveillance ne produirait d’effet dissuasif que dans les lieux fermés, qu’il serait faible pour prévenir les atteintes aux personnes et qu’il ne persisterait pas longtemps (quelques mois). Quant à l’impact sur le sentiment de sécurité, il serait quasiment nul. Les rares études françaises rejoignent ces conclusions et auraient dû ramener l’installation de caméras à de plus justes mesures. Utile au gouvernement et aux élus locaux pour faire croire à leur volontarisme en matière de sécurité, la vidéosurveillance est devenue la principale dépense du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) avec un doublement depuis 2007 des subventions atteignant, en 2010, 60% de l’enveloppe de ce fonds et ce
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au préjudice d’autres actions de prévention. Or, l’aide apportée par l’État ne constitue qu’une aide au « démarrage », pour l’achat de caméras ; il faut y ajouter le coût de maintenance pour faire fonctionner ces dispositifs. Par exemple, la chambre régionale des comptes a constaté que la ville de Cannes avait déboursé environ 7M€ pour l’achat de 276 caméras, dont les coûts s’élèvent pour la maintenance à 350 000 € par an et à 600 000 € pour la rémunération des personnels.
L’engouement gouvernemental pour les caméras de surveillance se traduit par des annonces fortes, comme celle de tripler en 3 ans le nombre de caméras sur la voie publique, alors même que le nombre de caméras installées n’est pas systématiquement recensé. Ainsi, à Paris, selon les sources – toutes rattachées au ministère de l’Intérieur – l’estimation du nombre de caméras varie entre 15 000 et 33 000. Ce flou a d’ailleurs été relevé par la Cour des comptes en juillet 2011 qui a recommandé « de se doter des moyens d’une connaissance exacte des systèmes de vidéosurveillance ».
Le régime actuel d’autorisation et de contrôle de la vidéosurveillance fait intervenir principalement le préfet (autorisation), les commissions départementales de vidéosurveillance (avis consultatif) et, de manière résiduelle, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) (conservation numérique des images, couplage avec fichiers nominatifs). Leurs positions respectives parfois hétérogènes ne sont pas à la mesure de l’enjeu, s’agissant d’une matière pouvant toucher les libertés individuelles. Par ailleurs, aucune réglementation sérieuse n’a été développée quant à l’utilisation des images transmises par les agents visionneurs, sans formation juridique ou déontologique, aux forces de l’ordre puis à la justice. De même, l’utilisation d’images comme preuves dans un procès pénal s’est développé de fait, sans cadre juridique spécifique.
L’étude de ces quatre domaines d’action permet d’identifier des points communs qui constituent la marque de fabrique de Nicolas Sarkozy en matière de sécurité, même si certaines des évolutions présentées trouvent leurs origines avant 2002. Le volontarisme affiché s’est trop souvent traduit par une accumulation de « priorités » définies en fonction des besoins de communication politique et non au regard des besoins de sécurité réels des citoyens tant au niveau national qu’au niveau des différents territoires de la République. L’hyper-pénalisation qui marque l’action législative et opérationnelle menée depuis 2002 n’a pas permis de répondre aux attentes de sécurité comme le démontrent notamment les enquêtes d’opinion ou les mouvements d’émeutes qui ont mobilisé bien des citoyens « ordinaires ». Surtout, la systématisation des réponses répressives a eu pour effet d’engorger durablement le système pénal annihilant sa réactivité et la pertinence de son action au profit d’une standardisation mécanique.
Au travers ces analyses, nous souhaitons que les leçons soient tirées des échecs, afin d’envisager une refonte d’ensemble de la politique publique de sécurité qui permette de répondre aux enjeux présents et futurs comme le rapport de Terra Nova publié en octobre 2011 l’a fait[2]. Il nous semble primordial de ne pas céder à la facilité du catalogue de mesures et de ne pas penser les réformes dans une perspective trop strictement institutionnelle : la politique de sécurité ne se limite pas à l’organisation des ministères et de leurs services ; elle doit approfondir la réflexion sur les techniques et méthodes de travail des acteurs de la sécurité et être élaborée en lien avec les scientifiques, les professionnels de terrain et les acteurs associatifs et non gouvernementaux. Certains éléments de cette politique nous paraissent pouvoir faire l’objet d’un large consensus politique qui constituerait une base solide et pérenne :
-       Le développement et la prise en compte des connaissances comme postulat de base de toute réforme : ces connaissances sont constituées des savoirs scientifiques des chercheurs et des savoirs empiriques des acteurs et de la société civile dans son ensemble. Elles doivent conduire à une réforme profonde de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales et au développement systématique d’évaluations visant non à déterminer l’attribution de mannes budgétaires, mais à améliorer la qualité du service rendu aux citoyens. Enfin, ces connaissances doivent être accumulées aux différents niveaux d’intervention territoriale et non uniquement centralisées.
-       La territorialisation de l’action nous paraît devoir être clairement renforcée : les services étatiques doivent acquérir plus de compétences d’action à l’échelle locale et les exigences administratives des administrations centrales à l’égard des services de terrain mériteraient d’être revues à la baisse pour permettre le développement de savoir faire nécessaires ; la répartition entre l’action locale – ou régionale – et nationale ne nous paraît pas reposer uniquement sur une séparation thématique – par exemple, la corruption ou une atteinte à l’environnement peuvent constituer un enjeu local. Il nous semble indispensable d’identifier systématiquement la valeur ajoutée apportée par les différents niveaux d’intervention.
-       L’adoption d’une approche par résolution de problèmes devrait irriguer la réflexion sur les méthodes de travail des acteurs de la sécurité. Cette méthode permet naturellement de mieux prendre en compte les spécificités des situations locales comme nationales ou internationales, de mieux cibler les priorités en fonction des besoins analysés à partir de sources de connaissances fiables et diversifiées et favorise le décloisonnement entre les multiples intervenants pouvant être utiles à l’amélioration de la sécurité et au-delà de la qualité de la vie quotidienne de tous.
Certaines étapes nous paraissent incontournables. Aucune réforme d’ensemble ne nous paraît envisageable sans repenser les missions assignées à l’institution judiciaire, aux services nationaux de police et de gendarmerie, aux services municipaux de sécurité et de prévention et aux autres acteurs susceptibles de s’inscrire indirectement dans une politique de sécurité. Les décisions gouvernementales de la décennie écoulée ont érigé la réponse pénale en modalité privilégiée de la sanction des comportements condamnés par le corps social. Il nous semble indispensable de revoir ces orientations en envisageant la dépénalisation de pans numériquement importants de contentieux afin, d’une part, de donner l’oxygène nécessaire à la réforme et au bon fonctionnement du système pénal et, d’autre part, de favoriser les autres modes de sanction et de « prise en charge » permettant d’améliorer la qualité du « vivre ensemble ».
En conclusion, il nous apparaît nécessaire de réhabiliter également dans le domaine de la sécurité l’humanisme indispensable à toute approche de la résolution des conflits – par la voie pénale ou par une autre. Il s’agit là d’un engagement reposant tout autant sur un pragmatisme réaliste que sur la forte conviction de l’infinie capacité de l’être humain à améliorer son comportement en société.


[1] Fonds interministériel de prévention de la délinquance
[2] Jean-Jacques Urvoas et Marie Nadel, Changer de politique de sécurité, Contribution n°18, Terra Nova, octobre 2011.

Debt Slavery: Why It Destroyed Rome, Why It Will Destroy US

Hammurabi Knew Better

Debt Slavery – Why It Destroyed Rome, Why It Will Destroy Us Unless It’s Stopped

by MICHAEL HUDSON
Book V of Aristotle’s Politics describes the eternal transition of oligarchies making themselves into hereditary aristocracies – which end up being overthrown by tyrants or develop internal rivalries as some families decide to “take the multitude into their camp” and usher in democracy, within which an oligarchy emerges once again, followed by aristocracy, democracy, and so on throughout history.
Debt has been the main dynamic driving these shifts – always with new twists and turns. It polarizes wealth to create a creditor class, whose oligarchic rule is ended as new leaders (“tyrants” to Aristotle) win popular support by cancelling the debts and redistributing property or taking its usufruct for the state.
Since the Renaissance, however, bankers have shifted their political support to democracies. This did not reflect egalitarian or liberal political convictions as such, but rather a desire for better security for their loans. As James Steuart explained in 1767, royal borrowings remained private affairs rather than truly public debts. For a sovereign’s debts to become binding upon the entire nation, elected representatives had to enact the taxes to pay their interest charges.
By giving taxpayers this voice in government, the Dutch and British democracies provided creditors with much safer claims for payment than did kings and princes whose debts died with them. But the recent debt protests from Iceland to Greece and Spain suggest that creditors are shifting their support away from democracies. They are demanding fiscal austerity and even privatization sell-offs.
This is turning international finance into a new mode of warfare. Its objective is the same as military conquest in times past: to appropriate land and mineral resources, also communal infrastructure and extract tribute. In response, democracies are demanding referendums over whether to pay creditors by selling off the public domain and raising taxes to impose unemployment, falling wages and economic depression. The alternative is to write down debts or even annul them, and to re-assert regulatory control over the financial sector.
Near Eastern rulers proclaimed clean slates for debtors to preserve economic balance
Charging interest on advances of goods or money was not originally intended to polarize economies. First administered early in the third millennium BC as a contractual arrangement by Sumer’s temples and palaces with merchants and entrepreneurs who typically worked in the royal bureaucracy, interest at 20 per cent (doubling the principal in five years) was supposed to approximate a fair share of the returns from long-distance trade or leasing land and other public assets such as workshops, boats and ale houses.
As the practice was privatized by royal collectors of user fees and rents, “divine kingship” protected agrarian debtors. Hammurabi’s laws (c. 1750 BC) cancelled their debts in times of flood or drought. All the rulers of his Babylonian dynasty began their first full year on the throne by cancelling agrarian debts so as to clear out payment arrears by proclaiming a clean slate. Bondservants, land or crop rights and other pledges were returned to the debtors to “restore order” in an idealized “original” condition of balance. This practice survived in the Jubilee Year of Mosaic Law in Leviticus 25.
The logic was clear enough. Ancient societies needed to field armies to defend their land, and this required liberating indebted citizens from bondage. Hammurabi’s laws protected charioteers and other fighters from being reduced to debt bondage, and blocked creditors from taking the crops of tenants on royal and other public lands and on communal land that owed manpower and military service to the palace.
In Egypt, the pharaoh Bakenranef (c. 720-715 BC, “Bocchoris” in Greek) proclaimed a debt amnesty and abolished debt-servitude when faced with a military threat from Ethiopia. According to Diodorus of Sicily (I, 79, writing in 40-30 BC), he ruled that if a debtor contested the claim, the debt was nullified if the creditor could not back up his claim by producing a written contract. (It seems that creditors always have been prone to exaggerate the balances due.) The pharaoh reasoned that “the bodies of citizens should belong to the state, to the end that it might avail itself of the services which its citizens owed it, in times of both war and peace. For he felt that it would be absurd for a soldier … to be haled to prison by his creditor for an unpaid loan, and that the greed of private citizens should in this way endanger the safety of all.”
The fact that the main Near Eastern creditors were the palace, temples and their collectors made it politically easy to cancel the debts. It always is easy to annul debts owed to oneself. Even Roman emperors burned the tax records to prevent a crisis. But it was much harder to cancel debts owed to private creditors as the practice of charging interest spread westward to Mediterranean chiefdoms after about 750 BC. Instead of enabling families to bridge gaps between income and outgo, debt became the major lever of land expropriation, polarizing communities between creditor oligarchies and indebted clients. In Judah, the prophet Isaiah (5:8-9) decried foreclosing creditors who “add house to house and join field to field till no space is left and you live alone in the land.”
Creditor power and stable growth rarely have gone together. Most personal debts in this classical period were the product of small amounts of money lent to individuals living on the edge of subsistence and who could not make ends meet. Forfeiture of land and assets – and personal liberty – forced debtors into bondage that became irreversible. By the 7th century BC, “tyrants” (popular leaders) emerged to overthrow the aristocracies in Corinth and other wealthy Greek cities, gaining support by cancelling the debts. In a less tyrannical manner, Solon founded the Athenian democracy in 594 BC by banning debt bondage.
But oligarchies re-emerged and called in Rome when Sparta’s kings Agis, Cleomenes and their successor Nabis sought to cancel debts late in the third century BC. They were killed and their supporters driven out. It has been a political constant of history since antiquity that creditor interests opposed both popular democracy and royal power able to limit the financial conquest of society – a conquest aimed at attaching interest-bearing debt claims for payment on as much of the economic surplus as possible.
When the Gracchi brothers and their followers tried to reform the credit laws in 133 BC, the dominant Senatorial class acted with violence, killing them and inaugurating a century of Social War, resolved by the ascension of Augustus as emperor in 29 BC.
Rome’s creditor oligarchy wins the Social War, enslaves the population and brings on a Dark Age
Matters were more bloody abroad. Aristotle did not mention empire building as part of his political schema, but foreign conquest always has been a major factor in imposing debts, and war debts have been the major cause of public debt in modern times. Antiquity’s harshest debt levy was by Rome, whose creditors spread out to plague Asia Minor, its most prosperous province. The rule of law all but disappeared when publican creditor “knights”  arrived. Mithridates of Pontus led three popular revolts, and local populations in Ephesus and other cities rose up and killed a reported 80,000 Romans in 88 BC. The Roman army retaliated, and Sulla imposed war tribute of 20,000 talents in 84 BC. Charges for back interest multiplied this sum six-fold by 70 BC.
Among Rome’s leading historians, Livy, Plutarch and Diodorus blamed the fall of the Republic on creditor intransigence in waging the century-long Social War marked by political murder from 133 to 29 BC. Populist leaders sought to gain a following by advocating debt cancellations (e.g., the Catiline conspiracy in 63-62 BC). They were killed. By the second century AD about a quarter of the population was reduced to bondage. By the fifth century Rome’s economy collapsed, stripped of money. Subsistence life reverted to the countryside.
Creditors find a legalistic reason to support parliamentary democracy
When banking recovered after the Crusades looted Byzantium and infused silver and gold to review Western European commerce, Christian opposition to charging interest was overcome by the combination of prestigious lenders (the Knights Templars and Hospitallers providing credit during the Crusades) and their major clients – kings, at first to pay the Church and increasingly to wage war. But royal debts went bad when kings died. The Bardi and Peruzzi went bankrupt in 1345 when Edward III repudiated his war debts. Banking families lost more on loans to the Habsburg and Bourbon despots on the thrones of Spain, Austria and France.
Matters changed with the Dutch democracy, seeking to win and secure its liberty from Habsburg Spain. The fact that their parliament was to contract permanent public debts on behalf of the state enabled the Low Countries to raise loans to employ mercenaries in an epoch when money and credit were the sinews of war. Access to credit “was accordingly their most powerful weapon in the struggle for their freedom,” Richard Ehrenberg wrote in his Capital and Finance in the Age of the Renaissance (1928): “Anyone who gave credit to a prince knew that the repayment of the debt depended only on his debtor’s capacity and will to pay. The case was very different for the cities, which had power as overlords, but were also corporations, associations of individuals held in common bond. According to the generally accepted law each individual burgher was liable for the debts of the city both with his person and his property.”
The financial achievement of parliamentary government was thus to establish debts that were not merely the personal obligations of princes, but were truly public and binding regardless of who occupied the throne. This is why the first two democratic nations, the Netherlands and Britain after its 1688 revolution, developed the most active capital markets and proceeded to become leading military powers. What is ironic is that it was the need for war financing that promoted democracy, forming a symbiotic trinity between war making, credit and parliamentary democracy which has lasted to this day.
At this time “the legal position of the King qua borrower was obscure, and it was still doubtful whether his creditors had any remedy against him in case of default.” (Charles Wilson, England’s Apprenticeship: 1603-1763: 1965.) The more despotic Spain, Austria and France became, the greater the difficulty they found in financing their military adventures. By the end of the eighteenth century Austria was left “without credit, and consequently without much debt,” the least credit-worthy and worst armed country in Europe, fully dependent on British subsidies and loan guarantees by the time of the Napoleonic Wars.
Finance accommodates itself to democracy, but then pushes for oligarchy
While the nineteenth century’s democratic reforms reduced the power of landed aristocracies to control parliaments, bankers moved flexibly to achieve a symbiotic relationship with nearly every form of government. In France, followers of Saint-Simon promoted the idea of banks acting like mutual funds, extending credit against equity shares in profit. The German state made an alliance with large banking and heavy industry. Marx wrote optimistically about how socialism would make finance productive rather than parasitic. In the United States, regulation of public utilities went hand in hand with guaranteed returns. In China, Sun-Yat-Sen wrote in 1922: “I intend to make all the national industries of China into a Great Trust owned by the Chinese people, and financed with international capital for mutual benefit.”
World War I saw the United States replace Britain as the major creditor nation, and by the end of World War II it had cornered some 80 per cent of the world’s monetary gold. Its diplomats shaped the IMF and World Bank along creditor-oriented lines that financed trade dependency, mainly on the United States. Loans to finance trade and payments deficits were subject to “conditionalities” that shifted economic planning to client oligarchies and military dictatorships. The democratic response to resulting austerity plans squeezing out debt service was unable to go much beyond “IMF riots,” until Argentina rejected its foreign debt.
A similar creditor-oriented austerity is now being imposed on Europe by the European Central Bank (ECB) and EU bureaucracy. Ostensibly social democratic governments have been directed to save the banks rather than reviving economic growth and employment. Losses on bad bank loans and speculations are taken onto the public balance sheet while scaling back public spending and even selling off infrastructure. The response of taxpayers stuck with the resulting debt has been to mount popular protests starting in Iceland and Latvia in January 2009, and more widespread demonstrations in Greece and Spain this autumn to protest their governments’ refusal to hold referendums on these fateful bailouts of foreign bondholders.
Shifting planning away from elected public representatives to bankers
Every economy is planned. This traditionally has been the function of government. Relinquishing this role under the slogan of “free markets” leaves it in the hands of banks. Yet the planning privilege of credit creation and allocation turns out to be even more centralized than that of elected public officials. And to make matters worse, the financial time frame is short-term hit-and-run, ending up as asset stripping. By seeking their own gains, the banks tend to destroy the economy. The surplus ends up being consumed by interest and other financial charges, leaving no revenue for new capital investment or basic social spending.
This is why relinquishing policy control to a creditor class rarely has gone together with economic growth and rising living standards. The tendency for debts to grow faster than the population’s ability to pay has been a basic constant throughout all recorded history. Debts mount up exponentially, absorbing the surplus and reducing much of the population to the equivalent of debt peonage. To restore economic balance, antiquity’s cry for debt cancellation sought what the Bronze Age Near East achieved by royal fiat: to cancel the overgrowth of debts.
In more modern times, democracies have urged a strong state to tax rentier income and wealth, and when called for, to write down debts. This is done most readily when the state itself creates money and credit. It is done least easily when banks translate their gains into political power. When banks are permitted to be self-regulating and given veto power over government regulators, the economy is distorted to permit creditors to indulge in the speculative gambles and outright fraud that have marked the past decade. The fall of the Roman Empire demonstrates what happens when creditor demands are unchecked. Under these conditions the alternative to government planning and regulation of the financial sector becomes a road to debt peonage.
Finance vs. government; oligarchy vs. democracy
Democracy involves subordinating financial dynamics to serve economic balance and growth – and taxing rentier income or keeping basic monopolies in the public domain. Untaxing or privatizing property income “frees” it to be pledged to the banks, to be capitalized into larger loans. Financed by debt leveraging, asset-price inflation increases rentier wealth while indebting the economy at large. The economy shrinks, falling into negative equity.
The financial sector has gained sufficient influence to use such emergencies as an opportunity to convince governments that that the economy will collapse they it do not “save the banks.” In practice this means consolidating their control over policy, which they use in ways that further polarize economies. The basic model is what occurred in ancient Rome, moving from democracy to oligarchy. In fact, giving priority to bankers and leaving economic planning to be dictated by the EU, ECB and IMF threatens to strip the nation-state of the power to coin or print money and levy taxes.
The resulting conflict is pitting financial interests against national self-determination. The idea of an independent central bank being “the hallmark of democracy” is a euphemism for relinquishing the most important policy decision – the ability to create money and credit – to the financial sector. Rather than leaving the policy choice to popular referendums, the rescue of banks organized by the EU and ECB now represents the largest category of rising national debt. The private bank debts taken onto government balance sheets in Ireland and Greece have been turned into taxpayer obligations. The same is true for America’s $13 trillion added since September 2008 (including $5.3 trillion in Fannie Mae and Freddie Mac bad mortgages taken onto the government’s balance sheet, and $2 trillion of Federal Reserve “cash-for-trash” swaps).
This is being dictated by financial proxies euphemized as technocrats. Designated by creditor lobbyists, their role is to calculate just how much unemployment and depression is needed to squeeze out a surplus to pay creditors for debts now on the books. What makes this calculation self-defeating is the fact that economic shrinkage – debt deflation – makes the debt burden even more unpayable.
Neither banks nor public authorities (or mainstream academics, for that matter) calculated the economy’s realistic ability to pay – that is, to pay without shrinking the economy. Through their media and think tanks, they have convinced populations that the way to get rich most rapidly is to borrow money to buy real estate, stocks and bonds rising in price – being inflated by bank credit – and to reverse the past century’s progressive taxation of wealth.
To put matters bluntly, the result has been junk economics. Its aim is to disable public checks and balances, shifting planning power into the hands of high finance on the claim that this is more efficient than public regulation. Government planning and taxation is accused of being “the road to serfdom,” as if “free markets” controlled by bankers given leeway to act recklessly is not planned by special interests in ways that are oligarchic, not democratic. Governments are told to pay bailout debts taken on not to defend countries in military warfare as in times past, but to benefit the wealthiest layer of the population by shifting its losses onto taxpayers.
The failure to take the wishes of voters into consideration leaves the resulting national debts on shaky ground politically and even legally. Debts imposed by fiat, by governments or foreign financial agencies in the face of strong popular opposition may be as tenuous as those of the Habsburgs and other despots in past epochs. Lacking popular validation, they may die with the regime that contracted them. New governments may act democratically to subordinate the banking and financial sector to serve the economy, not the other way around.
At the very least, they may seek to pay by re-introducing progressive taxation of wealth and income, shifting the fiscal burden onto rentier wealth and property. Re-regulation of banking and providing a public option for credit and banking services would renew the social democratic program that seemed well underway a century ago.
Iceland and Argentina are most recent examples, but one may look back to the moratorium on Inter-Ally arms debts and German reparations in 1931.A basic mathematical as well as political principle is at work: Debts that can’t be paid, won’t be.
This article appears in the Frankfurter Algemeine Zeitung on December 5, 2011.
MICHAEL HUDSON is a former Wall Street economist. A Distinguished Research Professor at University of Missouri, Kansas City (UMKC), he is the author of many books, including Super Imperialism: The Economic Strategy of American Empire (new ed., Pluto Press, 2002) and Trade, Development and Foreign Debt: A History of Theories of Polarization v. Convergence in the World Economy. He can be reached via his website, mh@michael-hudson.com

Short History of Elite Responses To Political-Economic Crisis

A Short History of Elite Responses To Political-Economic Crisis

How The Oligarchy Gets Politicized

by ALAN NASSER
The performance of the US economy from the mid-1970s to the present was no match for its relatively robust performance during what  economists call the Golden Age – 1949 to 1973. This was in fact the longest period of sustained growth in US history, when most (white) working people had achieved a degree of material security unknown earlier and unattainable since. But from the late 1960s and through the 1970s economic malaise was increasingly in evidence, signaling worse to come: high rates of both inflation and unemployment  -stagflation- was not supposed to be possible in a Keynesian (1) world, but there they were, and seemingly intractable. At the same time workers’ productivity declined dramatically. Profit rates fell steadily for more than ten years as revived Japanese and European economic competitors increasingly ate into US manufacturing’s share of both world trade and the domestic market itself.
Corporate and political elites responded with the cold bath treatment. “The standard of living of the average American,” pronounced Fed chairman Paul Volcker on Oct. 17, 1979, “has to decline. I don’t think you can escape that.”  Interest rates went through the roof. Austerity was the order of the day, and it still is.
In 1983 an analysis of US decline and the ensuing rise of Thatcher-Reaganism appeared, in the book Beyond the Waste Land, by three Harvard-based radical economists  - Sam Bowles, David M. Gordon and Thomas Weisskopf. The book received favorable reviews in many mainstream media, including The New York Times and The New York Review of Books. Reviewers included the  distinguished US economists John Kenneth Galbraith, James Tobin and Kenneth Arrow.
The authors argued that a social-political factor of great importance figured crucially in the decline of US hegemony: workers had become more secure and therefore more emboldened by Keynesian New-Deal benefits like Social Security and unemployment insurance, and the labor-friendly social programs of Lyndon Johnson’s Great Society. Labor’s uppityness was especially striking in the 1960s and early 1970s. There was a notable increase in labor actions, from strikes to industrial sabotage. With fewer workers worried about where the next mouthful would come from, we saw an increase in goofing off on the job, tardiness, job-switching, pressure for improved workplace safety measures and demands for higher wages and benefits. The result was a decline in productivity (output per unit of labor input) and a wage-push profit squeeze.
Most importantly, the legacy of the New Deal and the Great Society had resulted in a shift in the distribution of national income from capital to labor.
Bowles, Gordon and Weisskopf argued that with effective unions and unprecedented security, labor had achieved a degree of power over capital hitherto unknown. This analysis has been developed more recently by the economists Jonathan Goldstein and David Kotz, who show that every Golden-Age recession was generated by a wage-push profit squeeze in the preceding expansion. According to Bowles, Gordon and Weisskopf, capital did not take this sitting down. Corporate America initiated a counteroffensive which the authors called the Great Repression. Capital’s counterattack, we may say, persists to this day.
Liberal Thinking About the Politics of the Elite
Several of the most prominent liberal reviewers of Beyond the Waste Land were scandalized by the authors’ claim that capital deliberately organized active political resistance to working-class advances. In the New York Times (July 31, 1983) Peter Passell, who at the time wrote about economics for the Times’s editorial page, complained that the book exhibits an “emphasis on conspiracy.” John Kenneth Galbraith was far more insightful and dismissive of mainstream orthodoxy than liberals of a Paul Krugman or Robert Reich kidney. Yet he too could not imagine that the vested interests deliberately muster forces antithetical to working-class interests. In his otherwise generous praise for the book in The New York Review of Books (June 2, 1983) Galbraith registered a “serious complaint about the authors’ position on political power…. They see the present sorry behavior of the economy as the result of a thoughtful and deliberate exercise of corporate power.” Galbraith repudiated the authors’ “conviction that the present disaster is designed – that it reflects in a deliberate way the interest of the corporations. This I do not believe. I would attribute far more to adherence by the corporate world to outdated and irrelevant ideology, and to political leaders, not excluding the president, who do not know what damage they are accomplishing.”
It is as if acknowledging elites’ political activism gives credence to class analysis, which is thought to be too Marxian for our own good. Talk of corporate dominance of the State opens the door to unacceptably subversive reconceptualizations of matters we have been trained to understand in safer, less seditious terms. Seeing a recession as a strike of capital, for example, forces us to make the appropriate readjustments in a range of related economic and political understandings. Indeed, as Galbraith recognized, Beyond the Waste Land requires us to think and to act very differently regarding what political power is all about. It is less unsettling to imagine that “irrelevant ideology” and political ignorance lie at the heart of the current economic debacle, than it is to see the depression as the outcome of a deliberate assault on working people by the oligarchs.
These liberal objections are far less believable now than they were 28 years ago. Elites are not philosophers seeking to be guided by the most intellectually cogent theories. Political power is not about upholding this or that ideology; it is about legislating in this or that group’s interest. Political power is exercised most successfully by those whose interests are most consistently served by the exercise of State power.Cui bono? remains the best test of who matters most to the State managers. The latter govern; the former rule.
By this test only the blind fail to see that Wall Street is now running the show. The blind abound among liberal intellectuals. In his New York Times column on Nov. 23, 2009, Paul Krugman confesses that “It took me a while to puzzle this out. But the concerns Mr. Obama expressed become comprehensible if you suppose that he’s getting his views, directly or indirectly, from Wall Street.” You don’t say.
Krugman’s epiphany was available before Obama was elected. In September 2008, finance capital stepped forward, openly and unabashedly pushed aside its political representatives, and proceeded to dictate policy to the Congress and the White House. Hank Paulson demanded $700 billion for the banksters, with no strings attached: there would be no restrictions on how the handout was spent, no hearings, no Congressional debate, no expert testimony and Paulson was not to be held accountable. Obama suspended his campaign for a day to make phone calls urging Congressional Democrats to obey Paulson’s orders. His top economic advisors, his Treasury Secretary, his Fed chief, turned out to be mostly Wall-Street-linked deregulators. It was more than a year before it dawned on Krugman that Obama might be Charley McCarthy to Wall Street’s Edgar Bergen.
Elite Responses To Crisis
The political activism of the elite is striking in times of crisis, when the latter takes the form either of severe economic contraction or of working-class militancy, or both. Let’s look at the specifics.
The ruling class has attempted directly to address crisis situations in each of the three major economic downturn periods since 1823. I treat  nineteenth century American capitalism (1823-1899) as a single depression period, since over the course of sixty years it featured three steep depressions, 1837-1843, 1873-1878 and 1893-1897. Indeed, the entire period 1823-1898, excluding the Civil War, saw the nation in recession or depression more often than not. The Great Depression of the ‘30s was of course the second such period, and the years from late 2007 to the present constitute the third.
The corporate oligarchy has also responded to the New Deal/Great Society Golden Age as another crisis period, this time of a special kind. In that case the crisis was not perceived by the elite as purely economic, but as political, involving a transfer of both income and power from the wealthiest to the rest. Ruling-class mobilization ensued. The plutocrats openly “put politics in command.” Neoliberalism began to take shape.
After a brief review of the plutocrats’ responses to the depression periods and the Golden Age, I will look more closely at the stretch of time from the mid-1970s to the end of the twentieth century as a prolonged insurgency of the vested interests against regulated and relatively-worker-friendly American capitalism, and as a buildup to the current mess.
We begin with the corporate class’s first modern historical attempt to coordinate its power as a class. This was an effort initially confined to the economic sphere. Once the elite had established a private regime of market collaboration, it became clear that subsequent threats to its interests would require political mobilization. What we face now is a ruling class politically organized as never before, and with a firm grip on State power.
The Nineteenth Century: Depression Paves The Road To Corporate Organization
Railways and steel epitomized the chronic economic instability of nineteenth-century US capitalism. In each case enterprises repeatedly competed their profits away into bankruptcy or receivership. Finance capital responded by pressuring its industrial counterpart to consolidate in order to avert the perpetuation of what was very close to three quarters of a century of sustained slump.
Keynes famously described a clear instance of irrational competition: “Two masses for the dead, two pyramids are better than one; not so two railroads from London to York.” In fact, in Britain and in the US the railroad magnates had repeatedly built two or more railways from A to B, with the predictable consequences: bankruptcies proliferated. By the end of the nineteenth century the giant railway networks were the largest business enterprises in the world, yet by 1900 half of them had gone into receivership.
The financial magnate J.P. Morgan was attuned to the contribution of fratricidal competition to recurring economic downturns and, not incidentally, to the attending threat to bank profits.  He persuaded the biggest railway barons to organize. He had them form “communities of interest” to reduce destructive competition by fixing rates and/or allocating traffic between competing roads. Most of these efforts failed; invariably at least one of the companies would try to take advantage of the others’ compliance by breaking its promise.
Morgan’s response was, in retrospect, epoch-making. He implored his real-economy counterparts to consolidate as a matter of policy. Consolidation, he urged, was the most effective antidote to cutthroat-competition-induced depression and falling bank profits. Concentration was in capital’s best interests. Practicing what he preached, Morgan took control of one sixth of the nation’s largest railroads.
The steel industry exhibited a similar dynamic. The superinnovator Andrew Carnegie introduced productivity-enhancing technological improvements with uncommon frequency. His high rate of capital replacement lowered his unit costs, raised his competitors’ costs and devalorized their obsolete capital, enabling him to price-compete many of them to bankruptcy.
This left bankers like J.P. Morgan with big debtors unable to service their loans. Cutthroat competition was again rightly perceived by Morgan as contrary to the interests of capital.
Carnegie was a special nuisance to Morgan, who repeatedly implored him to slow down his innovations. When Carnegie resisted, Morgan simply bought him out and consolidated the Carnegie Steel Company with some of its weaker competitors. In 1901 Morgan’s steel behemoth became US Steel. This gave precedent and impetus to the oligopolization of major industries that was to become a hallmark of twentieth century capitalism. Cutthroat price competition was replaced with “corespective” competition, effected mainly through advertising, new products, improved technology, and organizational change.
Morgan had become the nation’s first prominent active critic of cutthroat competition. His effort consciously to limit competition was the first historical attempt of a major ruling-class activist deliberately to intervene in the dynamics of the economy in response to viral bankruptcies and depression.
Morgan’s lessons are implicitly subversive. He instructed his industrial brothers that their individual interests are best realized by action in concert. Morgan understood that the most effective agent of capitalist success is not the individual but the class. The same of course applies to anti-capitalist success. This Morgan did not discuss.
Organized capitalism was strikingly different from its nineteenth-century ancestor, with one exception. In both periods economic liberalism persisted; government regulation was almost entirely absent. The absence of regulation was a major factor in precipitating both the Great Depression and the current severe downturn.
The Great Depression: Coup d’Etat as Response to the New Deal’s Politicization of the State
J.P. Morgan’s response to crisis was to recommend to his class brothers a new form of industrial organization. The resulting reconfiguration of the private economy was accomplished with virtually no overt participation by the State, in accord with the prevailing laissez faire ideology. The notion that the State could respond to economic malfunction by active intervention  had not yet entered official thinking.
During the crisis of the 1930s the dominant orthodoxy was severely challenged. Morgan’s precedent for dealing with economic collapse generated by unbridled competition was that the Big Boys could put their own house in order by teaming up. By contrast, 1930s capital was without private, class-grown strategies adequate to the task of getting the Great Depression under control.
The seeds of the Depression had been planted in the 1920s, when the economic scene was strikingly similar to what precipitated the current downturn. Output, investment, productivity and profits rose much faster than wages. Unions were weak and inequality soared  -1928 was the then-record year for income inequality-  and working people relied heavily on debt to finance their purchase of the avalanche of newly available consumer durables. During the latter half of the decade economic growth was driven largely by credit-fueled consumption expenditures.
The unprecedented inequality that emerged from this setup widened the gap between productive capacity and effective demand and caused, beginning in 1926, a marked slowdown in the purchases of the very consumer durables   -radios, refrigeratots, toasters, automobiles-  on whose growth the health of the productive economy had become dependent. The growth rate of  manufacturing declined dramatically, and investment-seeking capital fled to speculative financial markets, ultimately inducing the crash of 1929. Sound familiar?
Reflecting on these realities, the Keynesians surrounding Roosevelt proposed the notion that the economy had reached “maturity” during the end-stage industrialization of the 1920s. All previous expansions out of downturns had been propelled by investment spending on means of production and workplaces; the nation was still industrializing. This time, and for the first time, it was different. Excess capacity abounded at the end of the decade, but not, as in the nineteenth century, as a result of serial bankruptcies. The triple blights of  inequality, over-investment and underconsumption were the culprits. With the basic industrial infrastructure now in place, and productive facilities glaringly superfluous, if the economy was to recover there had to be a resurrection of consumption demand. But the condition of the private economy ruled this out. This is what Keynes understood. His was a prescription for the economic restoration of a mature industrialized economy in the depths of a severe, sustained and self-perpetuating downturn.
The historical stage was now set for the birth of the Keynesian insight that only an agent outside the sphere of the market, and unmotivated by the quest for private profit, can restore a mature capitalist economy in deep depression. Many of FDR’s early “Brain Trust” were solid Keynesians, and the combination of their tutelage with mounting labor militancy convinced the president to initiate a major break with free-market precedent. He initiated a grand plan of public investment and government-provided jobs which not only brought about a reversal of the downward plunge of 1929-1933, but also generated the longest US cyclical expansion recorded up to that time, 1934-1938.
To the business class this seemed an unconscionably revolutionary turn. FDR’s fierce denunciation of the banksters even as he politicized the State in the name of working-class interests was viewed as an unparalleled and horrific development, a popular assault by the State on the power of Big Wealth. The logical response of the business class was not to attempt to reconfigure the private sector as Morgan had done, but to seek to capture the State, which it perceived as a greater threat to its dominance than the Depression itself. Morgan had attended to matters economic. But the emergence of a mature oligopolized form of economic organization required from the superordinates a distinctly political response.
The ruling elite proceeded in 1933 to organize a coup intended to topple the Roosevelt administration and replace it with a government modelled on the policies of Adolf Hitler and Benito Mussolini. (A 1934 Congressional committee determined that Prescott Bush, granddad of Dubya, was in communication with Hitler.) The plotters included some of the foremost members of the business class, many of them household names at the time. Prominent insurgents included Rockefeller, Mellon, Pew, Morgan and Dupont, as well as enterprises like Remington, Anaconda, Bethlehem and Goodyear, and the owners of Bird’s Eye, Maxwell House and Heinz. About twenty four major businessmen and Wall Street financiers planned to assemble a private army of half a million men, composed largely of unemployed veterans. These troops would constitute the armed force behind the coup and defeat any resistance the in-house revolution might generate.
The revolutionaries chose Medal of Honor recipient and Marine Major General Smedley Butler to organize its armed forces. Butler was appalled by the plot and spilled the beans to journalists and to Congress. FDR nipped the thing in the bud.
The attempted coup was a landmark event in US history, baring the soul of America’s standing wealth. (We find no mention of this event in US history textbooks. History unfit to print.) We have no reason to think that these fascist instincts have been expunged from the class character of our rulers. No less important, the scandal alerts us to the elite’s Leninism, its identification of the State as the political prize of prizes, the seat of class power.
Ironically, it was Keynes who put the deliberate capture of the State on postWar capital’s agenda. 1930s Keynesianism saw the State legislating in the interests of working people, and successfully competing in the labor market with private companies. This was an explicitly politicized State functioning, in the eyes of the elite, as the executive committee of the working class.
Big capital learned a lesson of abiding importance: determining State power must be their deliberate and overriding political agenda. Siezing State power by force of arms, they had learned, is easier planned than accomplished. The final years of the Golden Age saw the captains of wealth devising a longer-term political strategy to roll back the New Deal and Great Society, and to set in place arrangements that would preclude their recurrence. This time it was to be a New Deal for capital, a State unabashedly politicized for the class that counts. These were the early formative years of neoliberalism.
The Golden Age Not So Golden For Capital
The Golden Age is distinguished by its remarkable growth rate and the unprecedented material security enjoyed by a good number of workers. But growth rates tell us nothing about how the fruits of growth are distributed. The present moment illustrates this nicely. The economy’s rate of growth has been very slow, while corporate profits and the income of the top .01% have reached record highs. Ring this up to a deliberate, policy-driven transfer of income and wealth from the rest to the richest. Distribution counts a lot for the wealthy. Their political power is a function of their wealth. If wealth and/or income is redistributed to another class, so is power. That goes down badly with rulers.
The New Deal/Great Society period saw increasing redistribution from capital to labor. The share of national income appropriated by the top 1% of households steadily declined during those years. In 1928, the most unequal year to date since 1900, the share of the top 1% stood at more than 23%; by the late 1930s it was down to 16%. It declined to 11-15% in the 1940s, to 9-11% in the 1950s and 1960s, and finally fell to its nadir of 8-9% in the 1970s.
This was the first 50-year redistribution of income from the very richest to the rest in American history. The oligarchs were to take steps to ensure that this would never happen again.
Elites saw redistribution as inherent in any State policy orientation distributing toward working people benefits which the market by itself would not produce. If you give them a little, little by little they’ll want it all. To the boys used to being in charge, Lyndon Johnson seemed to be responding to popular pressure to out-New-Deal the New Deal. The latter had given us Social Security; Johnson expanded the program to include disability payments and more. Johnson and a Democratic Congress passed new or strengthened laws, mainly around consumer and environmental issues, that cut into business profits by forcing corporations to absorb some of the costs they had previously externalized onto the rest of us.
In less than four years Congress enacted the Truth In Lending Act, the Fair Packaging and Labeling Act, the National Traffic and Motor Vehicle Safety Act, the National Gas Pipeline Safety Act, the Federal Hazardous Substances Act, the Flammable Fabrics Act, the federal Meat Inspection Act and the Child Protection Act. Whew.
Business-government relations had never before seen such an avalanche of legislation limiting the freedom of capital in the interests of working people.
Between 1964 and 1968 Congress passed 226 of 252 worker-friendly bills into law. Federal funds transferred to the poor increased from $9.9 billion in 1960 to $30 billion in 1968. One million workers received job training from these bills and 2 million children were enrolled in pre-school Head Start programs by 1968.
What made all this especially unnerving in the eyes of Big Wealth was that even the Republicans seemed to have swallowed the redistributionist line. Richard Nixon announced in 1971 “I am now a Keynesian in economics” (not “We are all Keynesians now”, as the remark is usually misquoted). Nixon was in fact a bigger domestic non-military spender than Johnson. During his first term in office Congress enacted a major tax reform bill, the Environmental Protection Agency along with four major environmental laws, the Occupational Safety and Health Administration and the Consumer Products Safety Commission.
The combination of regulation and redistribution left  the working class as materially secure as it had ever been, and more inclined to feel its oats. When the economy began to approach full employment, toward the peak of a Golden-Age expansion, workers’ slacking off, tardiness, job switching and general militancy increased. The US topped the OECD’s table in strikes per worker in 1954, 1955, 1959, 1960, 1967 and 1970.
This did not go unnoticed by business. Commenting on the causes of the 1970-1971 recession following the long expansion of the 1960s, a front-page Wall Street Journal article (January 26, 1972) noted that:
‘Many manufacturing executives have openly complained in recent years that too much control had passed from management to labor. With sales lagging and competition mounting, they feel safer in attempting to restore what they call “balance”.’
It’s hard to overestimate the impact of  new regulations, redistribution and labor militancy on business. Regulations are a class thing, and we shall see how they inspired the regulated to respond in self-defense as a class. We might begin by contrasting neoliberal anti-Keynesianism with the standard postwar efforts of business to influence government.
To the extent that business sought to mobilize before neoliberalism, its tactics were fragmented and limited in scope. The airline industry would lobby the Civil Aeronautics Board and/or bribe a favorite senator (e.g. Washington state’s Scoop Jackson, the “Senator from Boeing”), steel companies would lean on Congress for protectionist legislation, energy producers got tax breaks from their congressional favorite, and firms would target trade organizations. Much of this was done through personal contacts. Individual firms and specific industries had their own strategies; there was no cross-sectoral means of resistance to threats to business as a whole. But it is the nature of regulations to pose just such threats by affecting many industries at once. It is no surprise, then, that business should respond with a call for a new form of class mobilization, an all-business attempt to secure State power by political means less dramatic, though no less effective, than an out-and-out coup.
The Counterrevolt of Capital: The Legacy of the Powell Memo
Toward the end of the nineteenth century Morgan had urged industrial capital to organize itself within the private sector. During the Great Depression big capital galvanized its energies politically, in a coup attempt to sieze State power. The next major effort by business to coordinate and mobilize itself was also a political action, again aimed at control of the State apparatus, but this time with a strategy of methodical long-term class warfare.
In 1971 future Supreme Court justice Lewis Powell distributed among business circles a memo intended to politicize the captains of industry in resistance to the legacy of the New Deal and Great Society. The memo reads like a neoliberal instruction booklet:
“[the]American economic system is under broad attack. Business must learn the lesson…that political power is necessary; that such power must be assiduously cultivated; and that when necessary, it must be used aggressively and with determination – without embarrassment and without the reluctance which has been so characteristic of American business…. Strength lies in organization, in careful long-range planning and implementation, in consistency of action over an indefinite period of years, in the scale of financing available only through joint effort, and in the political power available only through united action and national organizations.”
In their remarkable book Winner-Take-All Politics, political scientists Jacob Hacker and Paul Pierson describe the organizational counterattack of business as “a domestic version of Shock and Awe.” The accomplishments are impressive:
“The number of corporations with public affairs offices in Washington grew from 100 in 1968 to to over 500 in 1978. In 1971, only 175 firms had registered lobbyists in Washington, but by 1982, nearly 2,500 did. The number of corporate PACs increased from under 300 in 1976 to over 1,200 by the middle of 1980. On every dimension of corporate political activity, the numbers reveal a dramatic rapid mobilization of business resources in the mid-1970s.”
This period also saw the birth of militant mega-organizations representing both big and small business. In 1972 the Business Roundtable was formed, its membership restricted to top corporate CEOs. By 1977 the Roundtable’s membership included the CEOs of 113 of the top Fortune 200 companies. The chairman of both the Roundtable and Exxon in the early Reagan years, Clifton Garvin remarked “The Roundtable tries to work with whichever political party is in power… as a group the Roundtable works with every administration to the degree they let us.”
The Conference Board further sharpened capital’s political focus by gathering leading executive especially well positioned to personally contact key legislators. The Board developed an ingenious agenda: to learn the tactics of public interest groups and organized labor in order to subvert the agenda of those very groups.
The Roundtable and the Board lobbied and established ongoing relationships with Congressional staffs. Organizations representing smaller firms also grew rapidly in the 1970s. With higher unit costs and no oligopoly pricing power to offset the administrative costs of regulation, these firms were highly motivated to mobilize. The Chamber of Commerce and the National Federation of Independent Businesses doubled their membership, with the now very effective Chamber tripling its budget.
It was during this period that the corporate presence on the Hill became conspicuously ubiquitous. While business had always been disproportionately represented in DC, never before had the chambers of legislation seen such thoroughgoing corporatization.
Corporate strategy was not merely a matter of bribing top politicos. The biggest organizations had learned their lessons well from their antagonists, the public interest groups pressing the popular demand for regulation, and organized labor. The business counterrevolt mimicked the strategies of those groups. Corporate groups used their ample resources, including sophisticated marketing and communications techniques, to organize mass campaigns composed of a heterogenous grouping of shareholders, local companies, employees and mutually dependent firms like retailers and suppliers. Washington would be deluged with phone calls, petitions and letters pushing business interests.
In short order elites surpassed both public-service organizations and organized labor in what they had done best, bottom-up organizing.
Within ten years the corporate takeover was well established. In the 1980s corporate PACs shelled out five times as much money to congressional campaigners as they had put out in the 1970s.
The agenda of the political infrastructure of rallied capital was to undo those policies and State priorities which had generated the redistribution and labor activism limiting the freedom of capital and enhancing the power of workers for almost three decades. In sum, the legacy of the New Deal and Great Society had to be undone. But these were political-economic projects which required ongoing bolstering by the State if they were to be kept effective. Mobilized capital had to capture the State and render it inoperative for proletarian purposes. The State had to be as explicitly reconstituted as a capitalists’ State as the elite perceived it to have been hitherto rigged for workers and against the Big Boys. This required the functional equivalent of a coup.
And a coup there was. Simon Johnson, former chief economist of the International Monetary Fund, wrote in one of the nation’s major weeklies of the “the reemergence of an American financial oligarchy” in “The Quiet Coup”, The Atlantic (May 2009). Johnson made it clear that his use of “coup” was not intended as a rhetorical flourish or a metaphor. Finance capital had effectively privatized the State. Neoliberalism had succeeded not merely in guaranteeing permanently reactionary governments, it had captured the State itself. Previously, a change in government  -e.g. from the Eisenhower to the Kennedy administration- might mean a significant change in domestic policy within the context of an abiding Keynesian State. Neoliberalism has sought to change the fundamental priorities of the State.
Mission Accomplished: The Privatized Neoliberal State
All of the major developed capitalist countries have deindustrialized over the past thirty years. The industrial capacity of the West is overripe, and widget production has accounted for a declining share of total output, total employment and total profits in these once-democracies. FIRE’s shares have correspondingly risen, and its top dogs now rule the roost and call the global shots. This has gone hand in hand with a string of financial crises. (2) This setup requires much more, not less, State implication in economic life.
To bail out or not to bail out – and who is to be rescued at whose expense? How is manufacturing to thrive in the current climate of intensified competition among deindustrialized developed countries, with the emerging markets poised to enter the fray? The present answers to these questions are clear. The financial elite get everything while manufacturing is “restructured” as a low wage sector targeting the world’s fastest growing markets, which are not to be found in the imperial metropoles. Unemployment rates are to be kept high until the wage level drops low enough to render the US an effective competitor in global markets. None of this could begin to get off the ground without massive State collusion with corporate interests. The financial bailout and Obama’s restructuring of the auto industry are but the most conspicuous of many examples. The new State is to become  -has become?-  a capitalist State not in the trivial sense of the State of a capitalist country, but as a State unambiguously by and for Big Wealth.
Putting the Class Character of the State on the Political Agenda
The government is not the same as the State. The governmental alternatives -Republican or Democrat- within the context of an anti-Keynesian neoliberal State must be so limited as to count as no alternatives at all. That there is not a dime’s worth of difference between the Parties is what we should expect, given the dismantling of the State’s postwar social functions. If the remnants of the New Deal and Great Society are regarded by the State managers as “the old time religion”, as Obama characterized them in The Audacity of Hope, then the policy alternatives must be, from the perspective of working-class interests, piddling, and the pseudo-squabbles between the Parties inconsequential.
The historical unfolding of American capitalism has put the class character of the State squarely on the political agenda. It has been the plutocracy’s top priority for a long time. It is clearer to more Americans than ever that the entire political establishment is unprepared and unwilling to manage the economy and the State in the interests of working people. The ruling-class concerns of the neoliberal State homogenizes policy options and renders standard Party politics otiose and obsolete. An effective Left political program must make available to its constituency a radically revised conception of what it means to do politics. No less important is the forging of a political practice which compellingly incarnates that radical reconception. An independent OWS is just what such a practice would look like in its embryonic stages. Very much hinges on how that movement develops.
Notes.
(1) References to Keynesian policy require the reminder that Keynes encouraged economic policy far more radical than what the New Deal and Great Society offered. Perhaps the most neglected Keynesian prescription is his insistence that fiscal policy and government employment are not tools confined to recessions. Keynes held that full employment required ongoing targeted government stimulus, even during cyclical upturns.
(2) Savings and loans (early 1980s), Mexican debt crisis (1982), Mexican peso crash (1994, one year after the passage of NAFTA), Asian Financial Crisis (1997), Russian devaluation and default (1998), Argentina’s eebt crisis (2001), Enron (2001), Worldcom (2002), the hi-tech, dot.com bubbles of the late 1990s and the present turmoil, unparalleled of its kind in the history of capitalism.
Alan Nasser is Professor Emeritus of Political Economy at The Evergreen State College in Olympia, Washington. This article is adapted from his book in progress, The “New Normal”: Chronic Austerity and the Decline of Democracy. He can be reached at nassera@evergreen.edu